Internationale Situationniste » Numéro 4
Jacques Ovadia

Signal pour commencer une culture révolutionnaire en Israel

Le concept même de situation construite est continuellement faussé par l’existence d’une psychose quotidienne qui plonge l’être humain dans un pathos d’irrémédiable médiocrité. Il faut lutter contre la mé diocrité, contre le juste milieu des passifs et des soi-disant progressistes qui se contentent de croupir dans leur verbiage adynamique. Il faut dès maintenant s’atteler à la révolution permanente des esprits, frapper les imaginations, détourner les attentions des psychoses et de la presse jaune, être en somme des « agents provocateurs ».

Le paradoxe atroce de notre civilisation actuelle est que les puissances d’argent seules possèdent, ont à leur disposition, les moyens techniques les plus modernes, et qu’elles emploient ces moyens uniquement pour « faire de l’argent », brasser des millions afin de profiter ensuite stupidement, bourgeoisement, bestialement de leurs loisirs. Et les masses sont subjuguées par leur manque de désirs, et la dictature paternaliste des syndicats qui ont remplacé le patron, le maître de forges d’il y a cinquante ans.

En Israël, pays en devenir, les forces en gestation ont beaucoup de mal à s’exprimer parce que les problèmes du « comment-vivre » s’imposent à l’individu de façon crucifiante. Celui-ci, encore lié à des atavismes ancestraux qui engourdissent jusqu’à son subconscient, ne songe plus — ne peut songer — qu’à l’immédiat, c’est-à-dire aux moyens propres à améliorer son confort. Le peuplement s’est effectué par apport d’élé ments humains en majorité primitifs, et la fusion a voulu s’accomplir par le don d’un confort américain ; confort en un sens obligatoire et même forcé. On a donné au pauvre type abruti par un dogme rigide (que l’on s’attache à maintenir par l’enseignement des suprêmes bêtises de la Bible), et en les parant d’une auréole vert-de-grisée de socialisme et de libéralisme, des machines à laver, des réfrigérateurs, des logements hideux. On a poursuivi en haut lieu la cimentation d’un syndicalisme à l’américaine, qui est farouchement opposé à toute tentative libératrice, et se méfie de l’intellectualité des gens conscients. Les cloisons étanches sont en place, et les castes bien délimitées.

Il n’y a pas même de conflits de classes dans ce nouveau pays qui se veut socialiste et qui n’est que forgé par une nouvelle classe de dirigeants placés par les circonstances, et l’abnégation de quelques milliers, à la tête d’une nation embryonnaire dont les éléments divers sont en train d’être nivelés et, surtout — quand ils ne sont pas achetés dépersonnalisés.

On aurait pu s’accrocher à un espoir, plus solide que le désir verbal ou le souhait d’un avenir meilleur, si avait jailli d’ici quelque art particulier et révolutionnaire, qui aurait alimenté une source de créations. Là encore, la déception est vive. L’artiste qui veut créer du nouveau, qui veut briser l’ossature d’un judaïsme restrictif, part.

Un barbarisme israélien commence, cependant, à se former, et c’est sur lui que nous comptons. Il appartient à la nouvelle génération : garçons bronzés et filles émouvantes. La faune des villes est pourrie. La campagne, c’est-à-dire le kibboutz et la colonisation agricole coopérative, va de l’avant, malgré tout. Les nouvelles industries établies depuis la Fondation ont donné et donnent naissance à un prolétariat. Mais inconscient. Mais robot.

Le jeune paysan se détache de ses aînés fatigués, tandis que le jeune prolétaire s’automatise, et se voit vidé de son âme jour après jour.

La conscience révolutionnaire d’Israël ne pourra venir que de la terre ; du désert, du Néguev coloré ; de l’effort. La conscience révolutionnaire d’Israël viendra aussi de l’intelligence, de quelques esprits raisonnables et toujours en mouvement. Le futur d’Israël s’ébauche. Il commencera lorsque l’impact de forces nouvelles, que l’on entrevoit à des indices certains, se répercutera dans l’esprit des Israéliens. Il ne faut s’arrêter à aucun modernisme.

Dans la société vraiment révolutionnaire, le nouveau se détruira luimême.

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Erstveröffentlichung im FORVM:
juin
1960
, Seite 22
Autor/inn/en:

Jacques Ovadia:

Geboren 1917 in Frankreich, gestorben 2002 in Israel. Poet, Autor und Journalist in Tel Aviv, war 1960 das einzige israelische Mitglied der Situationistischen Internationale.

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